Le sommet de l’Open Government Partnership (OGP, Partenariat des gouvernements ouverts) s’est tenu les 31 Octobre et 1er Novembre à Londres. La France, non membre, y a dépêche une mission d’observation. OKF France a pu y participer.

A l’OGP, on discute beaucoup, on collabore encore peu

Le sommet de Londres a démontré que les questions de transparence, de redevabilité des gouvernements et de participation citoyenne étaient désormais inscrites dans les agendas de nombreux pays. La conférence s’est révélée un espace d’échanges productifs et denses entre les acteurs de la société civile et les gouvernements. Les pays membres peuvent y promouvoir leurs réformes, et les organisations non gouvernementales y défendre leurs propositions. Mais pour beaucoup, la ligne de fracture gouvernements citoyens demeure. La collaboration des deux secteurs sera le vrai défi de l’OGP pour les années à venir. Pour le moment, c’est encore la consultation, voire l’absence de dialogue, et non la collaboration qui prévalent dans la mise en place des plans d’actions. Enfin, l’initiative de l’OGP est vectrice de nouveaux standards, régulations, réformes, vocabulaires. La France, à défaut de les intégrer, devrait au moins en saisir les enjeux.

Le Royaume-Uni, champion de la transparence, pas de la justice sociale

Lors du sommet de Londres le Royaume-Uni s’est présenté en leader des gouvernements ouverts. David Cameron a annoncé la création d’un registre en accès libre des responsables bénéficiaires des entreprises (company beneficial ownership) ainsi que l’ouverture des données sur les comptes annuels des sociétés (accounts data). L’accès à ces informations était une demande forte des acteurs de la société civile mais également du secteur privé. Le pays voit dans les principes de gouvernance ouverte un moyen efficace pour combattre l’évasion fiscale, la corruption ou la mauvaise gestion du foncier. Il va ainsi apporter son aide à la Tanzanie pour la mise en place d’un cadastre numérique. Le Royaume-Uni n’est cependant pas exempt de critiques sur sa vision de l’OGP. Il est ainsi régulièrement reproché à David Cameron d’utiliser la vision de la gouvernance ouverte pour justifier sa politique d’austérité. Son programme de surveillance électronique des citoyens est également très critiqué.

La France, à défaut de participer, observe

Pour la France, c’est sa non participation à l’OGP qui fut remarquée, ses résultats moyens en matière de transparence publiés dans les différentes études également. Pour reprendre une citation de The Economist : “La non transparence est une habitude difficile à abandonner. Mais au moins [avec l’OGP], elle est de plus en plus visible”. Pourtant, la politique volontariste du pays en matière d’open data, ainsi que le dynamisme des entreprises et associations du secteur profiteraient d’une présence plus visible de la France dans le partenariat. Au niveau national, de nombreuses associations, dont OKF France, comprennent difficilement la politique de la chaise vide du gouvernement qui prône pourtant la transparence et la concertation. Le sentiment général est celui d’une grande hésitation qui traduit la difficulté de nos politiques à saisir les enjeux de l’OGP. Autre absence de marque, même si moins remarquée : aucun représentant de la Commission ou du Parlement Européen n’a pris la parole.

L’OGP résolument tournée vers les pays en développement

L’OGP est également activement promue par les grands bailleurs de fonds que sont la Banque Mondiale, l’UNDP ou les fonds privés de l’Open Society Institute et d’Omidyar Network. Pas étonnant donc de constater l’adhésion d’un grand nombre de pays en développement, notamment en Afrique Sub-saharienne. Et la Côte d’Ivoire sera dans quelques mois le premier pays francophone de la région à y adhérer. La participation des grands donateurs occidentaux à l’OGP aura probablement des conséquences sur l’attribution et la nature des programmes de développement, et sur les entreprises et ONGs exécutantes. A l’inverse, les opérateurs occidentaux non membres de l’OGP, ou qui ne respectent pas les nouveaux critères définis au sein du partenariat, pourraient voir leur influence baisser.

La transparence, thème central du sommet de Londres

Plus que la participation citoyenne, ou la collaboration avec les Etats, c’est la transparence qui fut le thème principal de la conférence de Londres. Et nous nous rappellerons du slogan du sommet : “La transparence, une idée dont le temps est venu”. Et si les gouvernements n’ont pas manqué de grandiloquence sur le sujet, ce sont les acteurs de la société civile qui ont montré à travers leurs projets les véritables bénéfices potentiels d’une telle transparence. Des programmes tels que OpenCorporates, OpenSpending, Follow the Money, Open Contracting, LandMatrix, sont autant de nouveaux outils pour explorer, comprendre et analyser les données qui se cachent derrière les grands enjeux globaux. Il était à ce propos intéressant de constater que les gouvernements et organisations internationales commencent à utiliser ces services (cf utilisation de OpenSpending sur le nouveau data.gov.uk, partenariat entre OpenCorporates et la Banque Mondiale).

La surveillance électronique et la protection des données personnelles, nouveaux sujets pour l’OGP

La surveillance électronique des citoyens et la protection des données personnelles auront été parmi les sujets les plus discutés et médiatisés du sommet de Londres. Ils sont désormais partie intégrante du débat sur la gouvernance ouverte et seront sans nul doute intégrés aux plans d’actions des pays membres. Les organisations non gouvernementales présentes à l’OGP plaident en tout cas fortement en ce sens. Dans ce contexte, la France et l’Europe ont l’opportunité d’apparaître au sein du partenariat comme force de proposition, voire pionnières, dans la mise en place de nouvelles régulations plus responsables dans ce domaine.

En conclusion, l’OGP un lieu d’exploration, une opportunité pour la France

L’OGP est une initiative encore jeune, 3 ans, mais qui a su fédérer autour d’elle plus de 60 pays. Son mécanisme innovant de coproduction, engagement, évaluation des actions de gouvernance ouverte a déjà montré son efficacité dans des pays aux contextes très différents (Royaume-Uni, Tanzanie, Moldavie). Mais les résultats sont inégaux. D’autres pays membres engagés dans l’OGP ne jouent pas le jeu de la transparence, manquent d’ambitions dans leur plan d’action ou ne les réalisent pas. Pour eux, aucune sanction, si ce n’est le risque de se décrédibiliser un peu plus auprès de leurs citoyens.

En ce qui concerne la France, la lecture de l’OGP sous l’angle diplomatique ne devrait pas nous faire passer à coté des vrais enjeux d’une adhésion. La modernisation de l’action publique, la lutte contre l’évasion fiscale, les paradis fiscaux et les sociétés écrans, la demande pour plus de démocratie et de redevabilité des Etats, le développement de l’économie numérique, sont également des sujets qui intéressent le gouvernement et les citoyens de notre pays. Associations, entreprises, gouvernement, nous aurions tort de ne pas travailler ensemble dans ces domaines.

Projets présentés à l’OGP 2013

OpenCorporate
Une base de données ouvertes sur les entreprises dans le monde (les données sur la France sont absentes)

OpenSpending
Une application web et une communauté de contributeurs coordonné par l’Open Knowledge Foundation dont l’objectif est de répertorier toutes les transactions financières des entreprises et gouvernements à travers le monde.

Follow the Money
Une communauté d’ONGs qui s’intéresse au suivi et à l’analyse des transactions financières.

Open Contracting
Un programme coordonné par la Banque Mondiale pour promouvoir les standards et bonnes pratiques en matière de marchés publics.

LandMatrix
Un observatoire de l’état des données cadastrales dans le monde.

Classements transparence et open data présentés à l’OGP 2013

Open Data Index (Open Knowledge Foundation)
Mesure l’accès aux données publiques fondamentales.
Résultat France : 16/70

Open Data Barometer (Web Foundation et Open Data Institute)
Analyse les politiques open data et leur impact.
Résultat France : 10/80

Aid Transparency Index (Publish What You Fund)
Mesure la transparence des agences d’aide publique au développement.
Les 3 opérateurs français (MAE, AFD, et MINEFI) classées dans la catégorie très mauvais.

Open Budget Index (International Budget Partnership)
Mesure la transparence des finances publiques (budget et dépenses).
Résultat France : 5/100

 

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