(Cet article est la version française, dérivée de la version anglaise, “Open-washing” – The difference between opening your data and simply making them available publié par Christian Villum sur le blog de l’OKF. Il a été traduit et adapté dans sa version française par Samuel Azoulay, Samuel Goëta et François Roels.

Le 3 février 2014, le service de vélos en libre service parisien Vélib se réjouissait sur son blog d’ « une nouvelle utilisation de l’open data Velib« . En effet, le travail d’Etienne Côme avec les données origine/destination des trajets donne à voir le trafic cyclable à Paris sous un nouveau jour. Sauf que vous pouvez chercher longtemps les données sur le site developer.jcdecaux.com, elles n’y sont pas et n’y ont jamais été. Les données proviennent en effet d’un partenariat de recherche.

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…qui n’utilise pas l’open data de Velib !

Récemment aussi, Open Street Map remarquait que La Poste communiquait beaucoup sur l’open data alors que seulement deux jeux de données sont en ligne : la liste des bureaux de poste et espaces de retrait Colissimo ainsi que leurs horaires d’ouverture. A l’occasion d’un concours de services open data, de nouvelles données ont été mises à disposition des participants mais uniquement pour la durée de l’évenement ; il était même interdit de les utiliser par la suite.

Enfin, le 14 mars, un article de 01Net annonçait que la Banque Publique d’Investissement (BPI) allait ouvrir ses données. Pourtant, le site « Le Lab »  qui donne accès à « 578 études, enquêtes et séries statistiques » ne présente principalement que des fichiers PDF souvent accessibles uniquement via une interface en flash, une technologie pas des plus ouvertes. Toujours sur ce site, la Banque se réjouit que « Bpifrance est ainsi la première banque française à initier une démarche « d’open data » mais « dans un environnement parfaitement sécurisé ». En effet, pour accéder aux données, il faut montrer patte blanche : appartenir à une institution scientifique, proposer une analyse nouvelle et traiter de la thématique des PME.

Cette manière très particulière de fournir des données nous amène au problème auquel nous faisons face : connaître la différence entre rendre les données accessibles et les rendre ouvertes. Cela rejoint un argument très récurrent qui consiste à considérer que Google Maps fait de l’open data puisque le service fournit une interface de programmation (API).

Les données ouvertes ne sont pas seulement caractérisées par leur disponibilité mais par le double fait qu’elles sont légalement ouvertes (fournies sous une licence ouverte qui autorise une réutilisation libre et entière, avec au plus la mention de la source et la même licence) et techniquement disponibles dans des formats bruts et lisibles par les machines – au contraire de ce que propose Google Maps. Leurs données sont peut-être disponibles mais elles ne sont pas ouvertes. Voici pourquoi – entre autres raisons – la communauté autour de l’alternative 100% ouverte Open Street Map croît rapidement et pourquoi un nombre croissant d’entreprises choisissent de baser leurs services sur cette initiative ouverte.

Mais pourquoi est-il si important que les données soient ouvertes et pas seulement accessibles ? Les données ouvertes consolident la société et constituent une ressource partagée où tous les citoyens et les entreprises s’enrichissent et se renforcent, et pas seulement les collecteurs de données et leurs diffuseurs. « Mais pourquoi les entreprises dépenseraient de l’argent à collecter des données pour ensuite les abandonner ? » demanderez-vous. Ouvrir vos données et faire du profit ne sont pas deux choses mutuellement exclusives. Une rapide recherche sur Google montre que beaucoup d’entreprises proposent des données ouvertes, tout en les valorisant.

Nous constatons une tendance croissante à ce que l’on peut appeler l’open-washing » (inspiré du «greenwashing» ou éco-blanchiment) où les producteurs de données proclament leurs données ouvertes, même si ce n’est pas le cas dans les faits : les données sont juste disponibles sous des termes limitatifs. Si nous ne sommes pas attentifs à cette différence, nous finirons par mettre nos flux de données vitales dans des infrastructures en silos construites et détenues par des entreprises internationales. Et nous ferons alors l’éloge d’un mode de développement technologique néfaste et non-soutenable.

3 thoughts on “« Open Washing » : la différence entre ouvrir vos données ou simplement y donner accès”

  1. Le fait de laisser les données se libérer sans réflexion sur la rémunération de ceux qui les produisent ou les valorise, est tout aussi dangereux que de voir les données être exploitées d’une manière propriétaire, non ?

    Est-ce qu’il ne serait pas possible de construire une solution avec les avantages des deux, sans les inconvénients ?

    Par exemple, une libération après un temps d’exploitation commerciale, une part de taxes pour financer la libéralisation, l’obligation de fixer un prix aux données et à leur libération, un système de troc récompensant les contributeurs et faisant payer les profiteurs, etc…

  2. Le principe d’ouverture et de libération des données ne s’oppose pas à une exploitation commerciale.
    Tout dépendra de la licence d’utilisation.

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