C’est lors du meetup de lancement de l’Open Knowledge Foundation France le 14 décembre 2012 et de la table ronde portant sur les données publiques à laquelle participait Charles Ruelle, directeur technique d’Etalab, qu’a émergé l’idée d’organiser un événement de redesign de data.gouv.fr . Plusieurs des participants ont saisi cette occasion pour partager des remarques et suggestions concernant le site data.gouv.fr, la plateforme lancée par Etalab la mission gouvernementale chargée de l’ouverture des données publiques. De ce meetup nait ainsi l’idée d’inviter les utilisateurs à réfléchir et designer leur plateforme open data idéale.

La plateforme data.gouv.fr a été conçue pour fournir librement et gratuitement l’accès aux données publiques de l’Etat. Elle a été mise en ligne le 5 Décembre 2011 et s’est enrichie progressivement de jeux de données et de fonctionnalités telles que l’espace “Communauté” qui permet d’échanger autour des données publiées et de solliciter la mise en ligne de nouvelles données. 18 mois après son ouverture, la plateforme data.gouv.fr a accueilli plus d’un million de visiteurs uniques, qui ont consulté plus de 5 millions de pages, et téléchargé plus de 500.000 fichiers. Le paysage technique et industriel a depuis fortement évolué. Les progrès dans le design d’API, l’émergence de nouvelles briques technologiques et de frameworks, le développement de nouveaux enjeux industriels dessinent un nouveau paysage technologique et économique. Les utilisateurs souhaitent bénéficier de ces progrès, notamment pour identifier plus facilement les données, y accéder de manière automatisée (API), les visualiser, ou contribuer à l’enrichissement des données & des métadonnées.

Pour pouvoir répondre à ces nouveaux enjeux et à ces nouvelles attentes, Etalab initie le 10 avril 2013 un « processus de conception le plus ouvert possible, [associant] fortement la communauté de l’open data à cette réflexion» et visant à recueillir «toutes les suggestions des parties prenantes pertinentes, [à] repérer un maximum de compétences de notre écosystème et [à] produire un effort de prototypage rapide en public» intitulé « CoDesign ». Sept mois après le Meetup de lancement de l’Open Knowledge Foundation France, et dans le cadre du « CoDesign », l’idée initiale se concrétise.

Image Rémi Rousseau (La Netscouade)

 

L’Open Knowledge Foundation France propose à Etalab le temps d’une soirée de concevoir la plateforme open data idéale en s’affranchissant de toute contrainte technique ou financière et en s’appuyant sur les idées de designers, de graphistes, de chefs de projets et d’utilisateurs chevronnés ou profanes des données ouvertes. Etalab a accepté d’héberger cet événement dans ses locaux et l’Open Knowledge Foundation France invite alors trente personnes à mettre les mains dans le cambouis d’un portail open data.

Exemple de redesign avec Wikipedia

Le redesign consiste à concevoir de manière radicale un nouveau site en imaginant de nouvelles fonctionnalités et une nouvelle ergonomie autour d’un parti pris orienté par les besoins des utilisateurs. Les exemples de redesign initiés par des utilisateurs sont nombreux mais nous pouvons notamment citer deux exemples notables : l’expérience wikipediaredefined.com et le travail de Frédéric Dith, participant à distance à l’atelier, sur le site de la RATP.

L’événement organisé le 20 juin 2013 a réuni 15 graphistes et designers, 8 chefs de projets web et spécialistes de l’ergonomie web ainsi que 8 utilisateurs de données ouvertes. La soirée a débuté par une présentation par Charles Ruelle sur l’open data et le détail des actions de la mission Etalab puis a été suivie d’une présentation des fonctionnalités et de l’ergonomie d’une sélection de portails open data par les membres de l’Open Knowledge Foundation France. Les participants se sont ensuite regroupés en cinq équipes qui ont chacune travaillé sur un parti pris pendant deux heures de façon collaborative avec pour objectif d’aboutir à une ébauche de leur plateforme idéale.

Voici ici une synthèse des approches et des réalisations du travail en 2h de chaque groupe avec les liens vers les projets complets.

Une approche pédagogique : éviter le moteur de recherche et expliquer l’open data 

Frédéric Dith, depuis Berlin, nous a envoyé sa contribution très complète à l’événement, il nous assure avoir travaillé en 2 heures, impressionnant. Pour lui, le site actuel ne donne pas assez à voir le concept de savoir libre derrière les données ouvertes et ne s’adresse pas à un public assez large, n’offrant pas de fonctionnalités de visualisation. Ses maquettes invitent l’utilisateur à d’abord comprendre l’intérêt et les potentialités de l’open data avant d’entrer dans le “dur” du moteur de recherche et des données. La page de chaque jeu de données propose une série de métadonnées explorables et une visualisation dynamique de la donnée. Le visiteur peut aussi aller consulter des réutilisations notables du jeu de données qu’il s’agisse d’un article, d’une infographie, d’une application ou d’un jeu de données dérivé.

—> Lire l’intégralité de la proposition de Frédéric Dith

Penser les données depuis les territoires qu’elles décrivent : vers la territorialité des données

Le deuxième groupe  part du principe que l’utilisateur cherchera à “zoomer” selon l’expression de Dominique Cardon vers le niveau le plus proche de chez soi. Pour cela, leur plateforme idéale envisage data.gouv.fr comme un “méta-moteur” permettant d’explorer les données publiques de l’Etat et de l’ensemble des collectivités territoriales. Le portail s’adresse aux spécialistes de la recherche d’information et délaisse la possibilité de visualiser les données directement dans le portail afin de privilégier la découverte des données.

—> Lire la description complète du projet

Pour un portail open data grand public : un site qui suit l’actualité médiatique et anime une communauté

L’équipe suivante s’est penchée sur l’idée de développer un portail d’open data dirigé vers le grand public. Afin de sensibiliser les citoyens à l’ouverture des données et de l’informer quant aux services et aux possibilités qu’elle offre, cette plateforme s’articulerait autour de trois objectifs :
-Transformer le portail en média : faire des données ouvertes une source d’information, par la publication de contenus interactifs (datavisualisations, cartographies, tutoriels…) et l’éditorialisation de la page d’accueil du site selon l’actualité.
– Permettre l’accès aux données sous forme graduée : multiplier l’accès aux données en les classant par thématique, date de publication, lieu, Ministère etc. et diversifier les formats disponibles.
– Créer une communauté de l’open data : développer une plateforme d’échanges permettant aux internautes de proposer leurs idées et/ou leurs compétences afin de monter des projets fondés sur les données ouvertes. Cette plateforme pourrait éventuellement mener à un dispositif de crowdfunding.

—> Lire l’intégralité de la contribution sur le site de l’agence La Netscouade

De Data à Tada : pour de vrais “jeux de données” à l’école

L’équipe « Tada » se propose de faire de l’ouverture des données publiques un projet éducatif. Le constat : l’ouverture des données publiques, au delà des enjeux de transparence, de création de valeur socio-économique ou de modernisation de l’action publique, représente un potentiel outil éducatif. Les données publiques brutes pourraient servir d’exemples pour appuyer les programmes scolaires d’une part, et pourraient constituer le support de jeux éducatifs ou d’exercices d’autre part.

Le portail se propose de mettre l’accent sur l’interactivité pour intéresser un public d’enfants ou d’adolescents à l’ouverture des données publiques. L’interaction avec les données publiques pourrait être progressive et fonction du niveau scolaire de l’élève. Le site met aussi l’accent sur la visualisation des données afin d’intéresser et de capter l’attention de ce public spécifique. Dans une optique de gamification, le site propose des « jeux de données » et une communauté qui développe des jeux et des exercice. Le projet propose d’intégrer les enseignants et les parents dans la dynamique par un travail de formation et de sensibilisation.

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Un data.gouv.fr pour tous avec une éditorialisation grand public et des communautés expertes  

L’ avant-dernière équipe a choisi le concept suivant : un contenu éditorial fort sur data.gouv.fr qui doit permettre aux novices de facilement faire le liens entre les données publiques et des problématiques concrète. Pour les experts, réutilisateurs, producteurs de données, la plateforme permet de communiquer plus facilement leur travail et de se retrouver autour de thématiques communes. L’idée est de proposer aux organisations publiques, privées, ONG, citoyens de pouvoir créer leur « page » ou « communauté » sur la plateforme data.gouv.fr et d’y rassembler les données, applications, dataviz, articles autour d’une thématique précise.

 

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Améliorer la fiabilité et la documentation des données par le crowdsourcing

Partant du constat d’un manque de fiabilité et de documentation des données, le dernier groupe imagine un portail qui permet aux utilisateurs institutionnels et particuliers de se créer un compte utilisateur afin d’améliorer la qualité de la documentation des données. Chaque jeu de données comporte des tags qui peuvent être ajoutés par les producteurs de données aussi bien que par les utilisateurs. L’utilisateur peut aussi indiquer un lien vers une application, une dataviz ou une analyse qui utilise ce jeu de données. Une section Remix offre aux utilisateurs la possibilité de poster le jeu de données sous d’autres formats ou avec des enrichissements qui pourraient bénéficier à la communauté. Enfin, chaque jeu de données est associé à un espace de discussion organisé à la manière du site Stackoverflow qui encourage les utilisateurs à faire des contributions intéressantes par un système de points.

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Les portails open data, France en tête, ont été créés pour répondre aux besoins de la communauté des développeurs. Aujourd’hui consultés par un public moins techniques, ils doivent s’adapter.

Différentes fonctionnalités selon le niveau de compétence : de la dataviz pour tous à l’API pour les développeurs
Un groupe de travail a identifié 3 personna pour le portail open data qu’ils imaginent :
– le novice : ne connaît rien à l’open data, arrive sur le portail un peu par hasard, il doit comprendre en un clin d’oeil l’objet et l’intérêt du site
– le curieux : il connaît l’open data de nom, il est suffisamment curieux pour chercher de l’info sur le site et veut manipuler les données
– l’expert : il est très au fait de l’open data, et se rend sur data.gouv.fr pour trouver de l’info brute, il veut trouver rapidement des jeux de données pertinentes.
Le site qu’ils proposent est divisé en fonction de ces profils, mais pas de façon hermétique : l’objectif est que l’internaute puisse passer d’une catégorie à l’autre durant sa visite (« novice » -> « curieux », « curieux » -> « averti »)
Deux propositions ressortent de ce groupe de travail :
– multiplier les exemples de « bonnes » data-visualisations pour comprendre en un coup d’oeil « à quoi ça sert
– donner la possibilité de manipuler les données, et réaliser facilement ses propres data-visualisations

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Et la suite ? 

Etalab a publié récemment les premiers enseignements de la démarche de codesign dont certains sont inspirés par l’événement redesign.
Les travaux issus de cet événement peuvent être réutilisés par tous, sous réserve de citation de la source et de partage à l’identique avec la licence Creative Commons (CC BY-SA 3.0 FR). Une première présentation de ces travaux par l’Open Knowledge Foundation France a déjà été effectuée lors de l‘atelier de cocréation de la deuxième version de la plateforme open data de la ville de Paris.  Enfin, un groupe de travail est en cours de constitution au sein de l’association pour faire aboutir le projet Tada et créer de vrais « jeux de données ».

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